Introduction
Adoptée en 1996 et mise en vigueur en 1997, la Loi sur l’équité salariale (LES) vise à corriger les écarts salariaux dus à la discrimination systémique envers les catégories d’emplois à prédominance féminine.
La Loi sur l’équité salariale découle des droits fondamentaux prévus aux chartes québécoise et canadienne, c’est-à-dire le droit à l’égalité et à la non-discrimination. La Loi s’applique aux entreprises québécoises de dix personnes salariées et plus, incluant les cadres et les personnes syndiquées ou non.
À la base, les catégories d’emplois à prédominance féminine sont comparées aux catégories d’emplois à prédominance masculine de même valeur ou de valeur comparable au sein d’une même entreprise. Il s’agit donc de mettre en application le principe fondateur de la Loi, qui est celui de verser un salaire égal pour un travail de même valeur ou de valeur équivalente.
En 2009 et 2019, des modifications ont été apportées à la Loi. Ces modifications n’ont pas eu pour effet de mettre fin à la discrimination salariale dont sont encore victimes les femmes. Elles ont alourdi le traitement des plaintes et ses modalités d’application portent encore préjudice. Près de 25 ans après sa mise en vigueur, un écart salarial moyen de plus de 10 % subsiste. Conséquemment, la Loi doit être à nouveau modifiée.
Pour respecter les obligations prévues à la Loi, un employeur doit, en premier lieu, effectuer un exercice initial d’équité salariale, et ce, dès qu’il a atteint dix personnes salariées dans l’entreprise. Après cet exercice, la Loi prévoit qu’il doit effectuer un maintien de l’équité salariale tous les cinq ans pour vérifier si un ou plusieurs événements, au cours de cette période, ont un impact et s’il y a des ajustements à verser.
État des lieux
La correction des écarts salariaux lors des évaluations du maintien de l’équité salariale
L’objectif de la Loi est de corriger les écarts salariaux dus à la discrimination systémique fondée sur le sexe envers les catégories d’emplois à prédominance féminine.
Lors de l’évaluation du maintien, il faut identifier les événements survenus dans les cinq dernières années, puis déterminer s’ils ont eu un impact sur le maintien de l’équité. Si c’est le cas, l’employeur devra les corriger par une somme forfaitaire calculée à partir de la date de l’événement. Cette somme devra être considérée aux fins du régime de retraite. L’employeur aura le choix de verser cette somme en un seul versement ou en cinq versements égaux. Des intérêts devront être ajoutés à la somme si l’employeur choisit de procéder en cinq versements. Si un événement a un effet qui se perpétue dans le temps au-delà du moment de l’évaluation du maintien, les échelles salariales devront être ajustées en conséquence.
Le versement d’une somme forfaitaire ne répond pas à l’objet principal de la Loi, qui est celui de corriger les écarts salariaux et d’enrayer la discrimination systémique. Il s’agit plutôt d’une manipulation qui vient complexifier l’application de la Loi, qui contourne l’objectif même de la Loi et qui perpétue la non-atteinte d’une véritable équité salariale.
La correction des écarts salariaux et le traitement des plaintes déposées dans le secteur parapublic lors des exercices de maintien de 2010 et de 2015
La Loi modifiant la LES prévoit expressément que le correctif rétroactif pour les exercices de maintien ne s’appliquera pas aux plaintes déposées avant l’entrée en vigueur de cette loi. Ceci signifie qu’il n’y aura aucun correctif rétroactif à la date de l’événement pour les plaintes déposées lors des maintiens de 2010 et de 2015, notamment dans le secteur parapublic. Cela retire des droits aux personnes salariées. La CSQ contestera par un recours ces mesures.
Ces mesures transitoires portent préjudice et privent de leurs droits les personnes, comme l’association qui les représente. Ces mesures sont contestables et des recours sont envisagés.
Entérinement d’une entente de conciliation
Les modifications législatives ont aussi pour effet de permettre à la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) de joindre des plaintes si elle le juge à propos. Elles permettent ainsi à l’association majoritaire, pour une catégorie d’emplois donnée, d’imposer aux associations minoritaires une entente de conciliation même si elles n’y adhèrent pas.
Cette disposition ne reconnaît pas le rôle important octroyé à l’association accréditée par la LES, qui a d’ailleurs le droit de déposer une plainte pour un manquement à la Loi. De plus, elle brime la liberté d’expression de la personne salariée ainsi que la liberté d’association tant de la personne salariée que de l’association accréditée. La CSQ contestera par un recours ces nouvelles dispositions.
Cette disposition porte préjudice au pouvoir de représentation des plus petites associations accréditées et doit être contestée.
Pour une révision, une bonification de la Loi
Pour atteindre son objectif premier, soit l’élimination de la discrimination salariale systémique envers les femmes, la Loi doit être révisée, bonifiée. Voici des pistes de réflexion sur lesquelles la CSQ travaille…
Application de la Loi à toutes les entreprises
La Loi ne s’applique actuellement qu’aux entreprises de dix personnes salariées et plus, laissant en plan des milliers de femmes. Il y aurait lieu qu’elle s’applique à l’ensemble des entreprises de juridiction québécoise. Les données contenues dans le récent rapport sur la mise en œuvre de la Loi sur l’équité salariale montrent que, sur l’ensemble des secteurs d’activités économiques recensés au Québec, la première évaluation du maintien n’a été complétée en moyenne qu’à hauteur de 69,2 %.
La Loi devrait s’appliquer à toutes les entreprises, qui devraient être tenues de l’appliquer.
Participation des personnes salariées au processus
La participation des personnes salariées dans le cadre du processus d’équité salariale est l’une des pierres d’assise de la Loi. Cette participation vise plusieurs objectifs, dont :
- la familiarisation au principe de l’équité salariale;
- l’application de la Loi dans une perspective de partenariat;
- l’atténuation des préjugés qui pourraient persister dans la reconnaissance des tâches et responsabilités;
- la transparence;
- l’atténuation de l’inégalité du rapport de force entre les employeurs et les travailleuses.
Les récentes modifications législatives prévoient plutôt un processus de participation sous certaines conditions. Ce processus a pour objectif d’informer les personnes salariées des résultats de l’évaluation périodique du maintien réalisée par l’employeur seul. Cependant, il n’existe aucune indication claire quant à la teneur des informations qui doivent être transmises ou remises. Ce nouveau processus ne permet donc pas de garantir une réponse claire aux objectifs qui découlent de l’arrêt de la Cour suprême de mai 2018. Dans ce contexte, comment les employeurs se gouverneront-ils dans le partage d’information?
Toute entreprise devrait mettre en place un comité paritaire afin de permettre la réelle participation des personnes salariées, selon les objectifs prévus, et ce, à toutes les étapes d’application de la Loi.
Maintien de l’équité salariale
Méthode d’évaluation du maintien de l’équité salariale : respecter les étapes prévues
La loi actuelle prévoit l’obligation d’évaluer le maintien de l’équité salariale périodiquement, c’est-à-dire à tous les cinq ans. L’imposition de modalités particulières a fait en sorte que cette évaluation n’est pas facilitée.
Il y aurait lieu de modifier la Loi pour pouvoir y intégrer les quatre principales étapes prévues lors de l’exercice d’équité salariale afin de faciliter l’évaluation.
Revoir la périodicité de l’évaluation du maintien de l’équité salariale
Afin de faciliter l’identification des événements discriminatoires et de diminuer le fardeau financier des entreprises qui doivent maintenant corriger rétroactivement les écarts salariaux, la périodicité de l’évaluation, prévue tous les cinq ans, devrait être revue.
Il y aurait lieu de ramener la périodicité de l’évaluation de cinq ans à trois ans.
En plus de ce changement, la Loi devrait prévoir une mécanique annuelle de calcul de l’estimation des écarts salariaux qui rétroagirait à la date de l’événement discriminatoire. Une telle mécanique devrait toutefois être validée et entérinée par le Comité consultatif en équité salariale (CCÉS) où siègent des représentantes des milieux syndiqués et non syndiqués ainsi que des représentantes des parties patronales.
Il serait pertinent d’introduire dans la Loi une mécanique annuelle de calcul de l’estimation des écarts salariaux.
D’autres éléments à améliorer
La déclaration des employeurs en matière d’équité salariale
La déclaration des employeurs en matière d’équité salariale (DEMÉS) est un outil d’information de grande importance pour la CNESST. Cependant, cet outil, découlant des dispositions actuelles de la Loi, ne permet pas à la CNESST d’obtenir toute l’information pertinente et complète concernant l’application de la Loi au sein des entreprises québécoises. Il y a donc lieu de bonifier le contenu de la déclaration afin d’y prévoir l’ajout des informations suivantes :
- la taille de l’entreprise;
- le nombre de catégories d’emplois et leur prédominance;
- les emplois exclus de l’exercice d’équité salariale ou de son maintien;
- la date des affichages;
- le nombre de programmes, dont la présence d’un programme distinct;
- le recours à une ressource externe;
- la mise en place d’un comité d’équité salariale;
- la mise en place d’un comité de maintien de l’équité salariale;
- les correctifs en % octroyés pour chacune des catégories d’emplois à prédominance féminine pour tous les exercices.
Contrer des effets indésirables
Dans certains secteurs d’activités du secteur public où les femmes sont largement prédominantes, par exemple dans les commissions scolaires et les collèges ou dans le réseau de la santé et des services sociaux, s’est installée une autre forme de discrimination basée sur le sexe. Que ces secteurs soient composés de personnes syndiquées ou non, il y a lieu de croire que les salaires des comparables masculins ont été influencés à la baisse en raison de cette concentration de travailleuses.
Étendre l’application de la Loi à d’autres secteurs
Certaines catégories de personnes qui sont réputées travailleuses autonomes, mais pourtant rémunérées par l’État, sont actuellement exclues de l’application de la Loi sur l’équité salariale. C’est notamment le cas des responsables des services éducatifs à la petite enfance.
En guise de conclusion
Comme d’autres organisations, groupes ou associations, la CSQ réitère l’importance qu’elle accorde à la Loi sur l’équité salariale et elle croit possible de faire en sorte qu’elle atteigne enfin son objectif fondamental. La CSQ réitère l’importance du rôle de la CNESST ainsi que du CCÉS pour contribuer à l’atteinte de cet objectif. Les modifications souhaitées et énoncées précédemment ou encore les pistes de solution qui sont mises de l’avant ont pour objectif d’en faciliter l’atteinte.